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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 15:39

 

Le banquet privé auquel Périclès avait invité les plus grands esprits d'Athènes était prestigieux. Sa maison était sans doute la plus belle de la cité, elle se situait sur les flancs de la colline des Muses face à l'Acropole que l'on voyait parfaitement. Le vin coulait à flot et les convives installés confortablement sur les couches écoutaient la musique divine jouée par de jeunes hétaïres recrutées par Aspasie.

Périclès se leva, attirant l'attention des grands de la salle tels que Sophocle, Phidias, Anaxagore de Clazomènes, Aspasie et bien d'autres. Il dit :

- Mes amis, moi, Périclès, fils de Xanthippe, vous ai invités pour que vous me donniez votre sentiment et votre opinion en but d'améliorer la vie de la cité et de la faire avancer. Cher Phidias, qu'en penses-tu ? Sois franc et sincère.

- Périclès, mon ami, je serai franc. Tu es l'homme le plus admirable et le plus admiré que j'aie vu jusqu'alors. La ville de Pallas que tu diriges avec clairvoyance mais aussi fermeté est devenue l'école de la Grèce et tu en es l'inspirateur. Tu es juste dans tes principes, la modestie dans ton port et ton éloquence sublime inspirent le respect. Tu as contraint toute terre et toute mer à s'ouvrir devant ton audace.

- Mon ami, je te remercie, mais tu es bien modeste. N'oublie pas que si Athènes est devenue la capitale culturelle de la Grèce, c'est grâce à ton génie et à ton talent. Le Parthénon dont tu as supervisé les travaux est le symbole même de la puissance politique et économique de la cité mais aussi de son rayonnement culturel. Ses proportions parfaites suscitent l'admiration. Les métopes que tu as sculptées nous rappellent la victoire des Grecs sur les Perses. Tout comme l'Amazonomachie raconte la victoire du légendaire Thésée sur les farouches Amazones, la centauromachie raconte la victoire de nos cousins les Lapithes sur les Centaures, sans oublier l'Ilioupersis racontant l'incroyable victoire de nos ancêtres les Achéens sur les Troyens. Mais la frise des Panathénées représente tout un peuple libre et joyeux d'hommes et de femmes de tout âge et de toute condition. Tu as, en faisant ainsi, donné une place héroïque au peuple d'Athènes et je t'en remercie. Tu lui as rendu sa dignité jadis réservée au Dieu. Je veux aussi, reprit Périclès, parler de ton chef d'oeuvre, de ta statue, qui laissera un exceptionnel héritage au monde. La statue chryséléphantine. Elle est la plus belle, la plus resplendissante du monde ! Sa beauté est telle que la regarder avec excès nous brûlerait les yeux. Je te remercie donc d'avoir magnifié notre merveilleuse cité.

Anaxagore interrompit soudainement Périclès. Il dit :

- Phidias, ne penses-tu pas que représenter Périclès et Aspasie sur cette magnifique statue n'est pas un excès d'orgueil ? Certes, comme le dirait le sophiste Protagoras, « l'homme est à la mesure de toute chose », mais je trouve que cette représentation est une forme d'hybris et, de mon point de vue, le peuple a bien fait de s'en étonner.

Phidias se défendant :

- En effet, ma représentation est osée mais pour moi, Périclès et Aspasie expriment l'idéalisme même ! Et il ne faut pas oublier que c'est grâce à Périclès si la ville de la chouette est la patrie de la civilisation humaine.

Anaxagore reprit la parole amusé par les paroles de Phidias :

- Restons-en là. Je voulais te dire, Périclès, de prendre garde que les cités alliées ne trouvent pas sage d'avoir ramené le trésor de la ligue de Délos dans notre cité et, de plus, d'avoir mis cet or sur la statue. Prends garde aussi que le peuple ne te reproche ces dépenses excessives et qu'il les juge inutiles !

Périclès prend alors une brève inspiration et dit d'un ton de voix égal mais assuré :

- Si le peuple me reproche des dépenses excessives, alors je paierai sur ma caisse personnelle. Ces oeuvres seront à ma gloire et non à celle d'Athènes et, si nécessité oblige, nous fondrons la statue. Mais goûtons un peu à ces somptueux plats.

Les esclaves allaient et venaient, ils versaient un excellent vin aromatisé au miel qu'ils prenaient dans un cratère d'argile digne des dieux, superbement décoré. Les meilleures hétaïres choisies par Aspasie dansaient autour des convives au son de l'aulos. Après avoir un peu bu et mangté, Périclès reprit la parole :

- J'aime ta sagesse et ton sens de la mesure. Vous, les sophistes (quoi qu'en disent certains), êtes des hommes sages. Vous faites avancer la société et la faites réfléchir, il existe bien à Athènes quelques mauvais orateurs que le peuple critique, mais pour les bons philosophes, la connaissance, l'observation de la nature, de ce que nous sommes, nous rend libres et capables de nous suffire à nous-mêmes. L'aveuglement et l'ignorance nous rendent esclaves de nos opinions.

Périclès alors s'adressa à Sophocle :

- J'aimerais que tu me parles un peu de tes oeuvres.

- Mes tragédies, mes amis, ne parlent plus seulement des dieux mais elles cherchent à parler aussi des hommes, c'est le miroir où se réfléchissent les angoisses, les difficultés et les audaces des mortels. L'homme n'est plus le jouet des dieux.

Périclès reprit la parole en se levant :

- La démocratie est la puissance d'Athènes. L'humaine condition a trouvé sa place dans les arts comme dans la littérature. L'humain devient la puissance éclairante. Nous avons eu jadis Homère pour nous glorifier mais nous avons maintenant Hérodote et Thucydide qui ont inventé l'histoire. La ville de Pallas est la patrie de la civilisation. Chaque être est en mesure de sacrifier sa vie pour une telle patrie.

Soudain, Aspasie se leva et s'écria :

- Socrate ! Te voilà ! Assieds-toi parmi nous et donne-nous ta pensée sur l'oeuvre de mon ami Périclès...

Socrate dit alors :

- Je sors d'un autre banquet où des sophistes m'ont abreuvé de paroles... Buvons plutôt et amusons-nous !


Guillaume P.

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