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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 18:06

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Ce texte est le compte rendu du chapitre 2 du livre de Claude Mossé Histoire d'une démocratie : Athènes,
chapitre intitulé "Le 'siècle' de Périclès".

Table des matières
Chapitre 1 : la conquête de la démocratie : de Solon à Périclès


LE ROLE DU DÈMOS

 

Le dèmos, le peuple, est souverain à Athènes, mais cette souveraineté s’exerce à l’intérieur de certaines limites.

C’est de l’époque de Périclès que date l’établissement de certaines de ces limites. Par exemple, les règles strictes concernant l’ordre du jour et la périodicité des séances de l’Assemblée ; le mode d’introduction des projets de décrets ; la procédure de discussion et d’adoption de ces décrets ; les attributions de la boulè (Conseil) des Cinq Cents, et en particulier le contrôle des magistrats à leur entrée en charge (dokimasie) et à leur sortie de charge.

On observe au temps de Périclès un relatif équilibre social, alors même que la population augmente.

L’augmentation du nombre de citoyens était certainement un problème. Depuis les réformes de Clisthène, à la fin du VIe siècle (508), l’intégration des étrangers à la cité est plus facile. C’est sans doute pour cela que Périclès fait adopter en 451 un décret stipulant que seuls les enfants nés de père et de mère citoyens peuvent être eux-mêmes citoyens ; son but est de limiter le nombre de citoyens et non de préserver une quelconque « pureté de race ».

L’équilibre social ne peut s’expliquer seulement par l’établissement de clérouquies (colonies militaires fondées à l’extérieur d’Athènes, et où sont envoyés des citoyens pauvres à qui est attribué un lopin de terre ; on estime à dix mille le nombre d’Athéniens ainsi établis par Périclès dans des clérouquies ou dans des colonies) et le développement de l’artisanat (on n’estime pas à plus de quatre cents le nombre de potiers présents à Athènes au Vè siècle). Quant aux mines, la main d’œuvre qu’elles emploient est essentiellement servile (c’est-à-dire constituée d’esclaves). Et pour ce qui est du commerce, il est essentiellement placé entre les mains d’étrangers métèques ou de passage ; il n’y a pas de classe marchande athénienne.

Le décret de fondation de la colonie de Bréa indique que les colons étaient des zeugites et des thètes, les deux dernières classes de la société athénienne. Mais les zeugites possèdent quelque bien : la fondation de colonies, comme celle de clérouquies, ne concerne donc pas seulement les citoyens « pauvres », sans bien. Elle n’est pas seulement un moyen de résoudre les difficultés sociales d’Athènes en « soulageant » la cité de ses citoyens les plus pauvres. Elle s’inscrit dans un programme d’ensemble, à la fois politique et militaire.

L’élément essentiel de cet équilibre social est sans doute l’empire d’Athènes sur la mer Egée.

 

L’EMPIRE D’ATHENES

 

Selon Aristote, dans sa Constitution d’Athènes, vingt mille hommes vivent de l’Empire. Ce sont les « fonctionnaires » qui assurent la bonne marche de cet empire, et de manière plus générale tous ceux qui perçoivent un misthos, une indemnité payée par la cité. Ceux-ci sont :

- les clérouques

- les colons

- les hommes de garnison

- les rameurs et les soldats qui, pendant huit mois de l’année, surveillent le trafic maritime, perçoivent les tributs en retard et font la police des mers, et perçoivent pour cela une solde quotidienne

- les juges chargés de régler les différends entre les Athéniens et leurs alliés

- les inspecteurs en tous genres veillant à l’application des décisions communes.

 

C’est l’argent de l’empire qui finance les travaux de l’Acropole, sous prétexte que ses monuments ont été détruits par les Perses pendant la guerre commune.

L’empire permet aussi l’approvisionnement en grains d’Athènes, dont au moins la moitié du blé est importée d’Eubée, de Thrace et d’Egypte, ainsi que des cités grecques du Bosphore et des royaumes semi-hellénisés des rives nord de la mer Noire.

Aussi est-il essentiel pour Athènes de maintenir cet empire, au besoin par la force. Des expéditions punitives sont ainsi décidées contre les Chalcidiens, ou les gens de Samos, qui se rebellent contre l’hégémonie d’Athènes. Les alliés eux-mêmes contribuent à ces expéditions punitives en versant le tribut et en envoyant des contingents. Peu à peu, donc – comme l’observe Thucydide -, le statut des alliés évolue vers celui de sujets d’Athènes. Non seulement les alliés doivent accepter la présence de garnisons athéniennes, mais aussi celle d’inspecteurs (episcopoi) chargés de trancher les différends nés de l’application des traités, et parfois mlême celle d’un archonte, c’est-à-dire un « gouverneur » athénien. Ils sont contraints en outre de porter devant des juges athéniens les différends qui les opposent, et d’adopter les poids et mesures, mais surtout la monnaie, d’Athènes. Eubée et Egine, deux alliés dont la monnaie pouvait rivaliser avec celle d’Athènes, sont l’une écrasée l’autre soumise par Athènes. Cette dernière est évidemment avantagée par toutes ces mesures.

 

La situation privilégiée d’Athènes se traduit notamment par le développement de son port, le Pirée, pour lequel on fait appel à l’architecte Hippodamos de Milet. Un emporion est aménagé, des magasins, des docks, une Halle aux blés. Marchands, changeurs, agents commerciaux, marins, dockers constituent la population grandissante du port.

Athènes, cependant, vend trop peu pour compenser l’achat de matières premières, auquel elle est contrainte. Il faut donc bien trouver quelque part l’argent de son développement : et c’est l’empire qui le lui permet.

 

Périclès distribuant des couronnes aux artistes
par Jean-Baptiste Debay, marbre, 1833 (Jardin des Tuileries)

ATHENES, « ECOLE DE LA GRECE »

 

Athènes est, à cette époque, « l’école de la Grèce », et dans plusieurs domaines.

Dans le domaine de la pensée spéculative, Athènes devient le lieu où se forment les écoles de pensée, le lieu où – chez Aspasie, la concubine de Périclès, notamment – se réunit la fine fleur de la pensée : Anaxagore, Zénon d’Elée, Protagoras. Cela, certes, concerne finalement peu d’Athéniens, et en inquiète même beaucoup, comme le montrent la mauvaise réputation d’Aspasie mais aussi les procès pour impiété intentés contre Phidias, Anaxagore, et plus tard Protagoras.

Dans le domaine religieux, surtout, Athènes s’affirme comme le centre du monde grec. C’est là qu’ont lieu les grands concours théâtraux, à l’occasion des fêtes de Dionysos. Là que se déroulent les processions et les jeux. Les Panathénées, que l’on voit représentées sur la frise du Parthénon due au sculpteur Phidias, ami personnel de Périclès ; les fêtes de Déméter Eleusinienne, au cours desquelles les futurs initiés se rendent d’Athènes à Eleusis ; les nombreuses célébrations en l’honneur de Dionysos : les Dionysies rustiques dans les dèmes, les Lénéennes (qui ont lieu en gamélion, c’est-à-dire en janvier-février), les Anthestéries (en mars), les Grandes Dionysies (du 10 au 15 élaphébolion, en mars-avril) au cours desquelles ont lieu une procession, des sacrifices, des banquets et les concours de tragédie et de comédie qui se déroulent les trois derniers jours, et pendant lesquelles les alliés viennent payer leur tribut.

Les grands travaux réunissent aussi à Athènes les plus grands artistes du temps, autour de la figure de Phidias : les architectes Callicratès, Ictinos, Mnésiclès, Coroïbos, les sculpteurs Paionos, Alcamène, Agoracritos, Crésilas, les peintres Polygnotos et Colôles.

 

DE L’IMPERIALISME A LA GUERRE

 

C’est dans ce contexte que se dessine, de plus en plus inéluctablement, la guerre qui va bouleverser le monde grec à partir de la fin du « gouvernement » de Périclès.

Deux colonies corinthiennes – Corinthe fait partie de la Ligue du Péloponnèse, qui regroupe des cités n’ayant pas intégré la Ligue de Délos, celle des « Athéniens et leurs alliés » -, Corcyre et Potidée, mettent le feu aux poudres.

Corcyre est en conflit avec Corinthe pour la possession d’Epidamne, et fait appel aux Athéniens. Quant à Potidée, colonie corinthienne mais tributaire de l’alliance athénienne, Athènes exige d’elle qu’elle rompe les liens avec Corinthe.

Corinthe fait alors appel à Sparte. Le roi, Archidamos, est hésitant, mais l’éphore Sthénélaidas emporte la décision en faveur de la guerre.

Une première ambassade à Athènes réclame la punition du sacrilège fait à la déesse par Mégaclès pendant la conspiration de Cylon : c’est une vieille histoire que les Lacédémoniens veulent réactivent parce que le crime de Mégaclès avait porté la condamnation sur tout le genos des Alcméonides, auquel appartient Périclès. Mais cette première ambassade n’aura pas de suite.

Une seconde ordonne que soit levé le siège de Potidée et rendue à Egine son indépendance, mais aussi que soit abrogé le décret contre Mégare, cité à laquelle Athènes a interdit l’accès aux marchés de l’Attique. Le but de cette seconde ambassade est d’obtenir des Athéniens qu’ils respectent l’indépendance des Grecs. En vain.

Périclès parle alors en faveur de la guerre, selon lui inévitable.

TLP, 5 octobre 2009 (20 h 45 - 21 h 45)

Lire aussi :

le compte rendu de Périclès, l’apogée d’Athènes par Pierre Brulé 

le compte rendu de la Vie de Périclès de Plutarque


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