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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 10:57


1. Plutarque semble prendre ici trop sérieusement le mot de César, qui n’était, je crois, qu’une plaisanterie faite à ces étrangers sur les caresses ridicules qu’ils prodiguaient en public à ces animaux. C’était sans doute de leur part une petitesse que César avait raison de blâmer ; mais l’affection pour les animaux n’est pas incompatible avec les sentiments de tendresse qu’on doit aux hommes, lorsque la première se renferme dans de justes bornes, et que l’ordre des devoirs est observé. Plutarque lui-même a dit plus d’une fois que l’affection qu’on porte aux animaux doit être comme un apprentissage de l’attachement qui est dû aux hommes ; il a cité plusieurs traits de fidélité, de reconnaissance et de dévouement de la part d’un grand nombre d’animaux, pour justifier cette espèce d’obligation qui nous impose d’être doux et affectionnés envers eux. On a vu en particulier, dans la vie de Thémistocle, c. XIII, celui du chien de Xanthippe, père de Périclès. Lorsque les Athéniens s’embarquèrent pour Salamine, cet animal suivit à la nage la galère de son maître, et expira en arrivant au rivage : une pareille marque d’attachement et de fidélité méritait bien quelque retour d’affection de la part de Xantippe.


2.
C’est le précepte le plus important que la philosophie puisse donner. On doit l’appliquer non seulement aux choses sérieuses, mais encore aux plaisirs et aux divertissements. L’esprit et le coeur ont besoin d’un aliment journalier ; ils se flétrissent et se dessèchent faute d’une nourriture convenable qui entretienne dans l’un le désir de s’instruire, et dans l’autre le goût de la vertu.


3.
Antisthène, disciple de Socrate, fonda la secte des cyniques. Il disait que la vertu était la plus forte de toutes les armes, la seule qu’on ne pût jamais nous arracher. Il n’est pas étonnant qu’un homme de ce caractère blâmât Isménias d’avoir employé tout son temps et toute son application à bien jouer de la flûte. Antisthène florissait vers la quatre-vingt-dix septième olympiade, trois cent quatre-vingt-onze ans avant J.-C. — Isménias était de Thèbes. La perfection dans un art quelconque n’est sûrement pas un obstacle à la probité, et l’on pourrait en citer plus d’un exemple ; mais cette perfection ne convient qu’à ceux qui font profession de cet art : dans les personnes qui ont un autre état, le désir d’exceller dans les arts d’agrément les distrait infailliblement de leurs devoirs, et les y rend beaucoup moins propres. Aussi Philippe, qui faisait à son fils le reproche de chanter trop bien pour un prince, tomba lui-même dans un défaut semblable. Etant un jour entré en dispute avec un musicien sur les principes de la musique : « A Dieu ne plaise, seigneur, » lui dit le musicien, que vous sachiez cela mieux que moi ! »


4.
Ce jugement peut paraître un peu sévère, quand on se rappelle l’estime dont ces artistes ont joui chez le peuple le plus instruit de toute l’antiquité, et l’admiration qu’ont excitée les deux statues que cite Plutarque, et qui passaient pour des chefs-d’oeuvre inimitables. Le Zeus de Phidias était digne, dit-on, de la majesté du dieu même, et une seule statue de Polyclète était, suivant Pline, liv. XXXIV, c. VIII, vendue cent talents. Ce que Plutarque ajoute sur les poètes semble encore plus rigoureux, après la haute opinion qu’on a eue, dans tous les temps, de la poésie. Tout ce qu’on peut dire pour expliquer ce passage, c’est que Plutarque ne méprise pas absolument cet art sublime et souvent si utile ; il ne le juge ici que par comparaison avec des qualités d’un ordre bien supérieur, la sagesse et la vertu. Auprès d’elles les arts les plus parfaits n’ont qu’un prix médiocre, et ne méritent pas une application qui nous fasse négliger ce qui seul peut nous rendre vraiment estimables et assurer notre bonheur. Socrate avait un talent distingué pour la sculpture ; il avait fait les statues des trois Charites (Grâces) qui étaient dans la citadelle d’Athènes, et qu’on y voyait avec admiration. Cependant il abandonna cet art pour se livrer tout entier à l’étude de la sagesse ; et son exemple fait voir que, si le goût pour les arts d’agrément peut convenir, avec une certaine modération, à l’homme qui veut faire de la vertu sa principale étude, la passion pour ces arts ne saurait subsister avec la pratique de la sagesse.


5.
Il donne le nom de volume à deux vies parallèles, comme celles de Périclès et de Fabius Maximus.


6.
Hérodote, liv. VI, c. CXXXI, fait la généalogie de Périclès. Clisthène, roi de Sicyone, avait une fille unique, nommée Agariste, qu’il maria à Mégaclès, fils d’Alcméon. De ce mariage naquirent deux fils : le premier fut appelé Clisthène comme son grand-père ; le second se nommait Hippocrate. Celui-ci, s’étant marié, eut un fils nommé Mégaclès et une fille nommée Agariste, qui fut mère de Périclès. — La bataille de Mycale en lonie, vis-à-vis l’île de Samos, se donna à pareil jour que celle de Platées, la deuxième année de la soixante-quinzième olympiade, quatre cent soixante-dix-neuf ans avant J.-C., et ne fut ni moins glorieuse ni moins décisive que celle-ci. Plus de quarante mille Perses périrent dans le combat ; un plus grand nombre furent tués en fuyant ou en défendant leurs retranchements ; le reste se sauva en désordre, et ne se crut en sûreté que quand il se vit dans les murs de Sardes. Du côté des Grecs, cette bataille fut plus sanglante que toutes celles qui se livrèrent dans le cours de cette guerre. Pisitrate s’était emparé de la puissance souveraine à Athènes, peu de temps après que Solon eut donné des lois à cette ville. Ses fils, qui lui avaient succédé dans la tyrannie, furent chassés par ce Clisthène, qui réunit le peuple divisé en plusieurs factions, porta les quatre tribus athéniennes jusqu’au nombre de dix, et établit un gouvernement purement démocratique. Voy. Hérodote,liv. V, c. LXVI, et la vie de Solon, c. XXI, et note 54.


7.
C’est-à-dire tête d’oignon marin, que les anciens appelaient schine ou scille, comme Plutarque le dit ensuite.


8.
Poète de la vieille comédie, fort livré à la bonne chère et aux plaisirs. Il était contemporain d’Aristophane, et composa sa dernière pièce, intitulée Pytine, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans, suivant Fabricius, Bibl. gr.


9.
Le mot grec signifie proprement qui rassemble les têtes. C’est une plaisanterie fondée sur une allusion à l’épithète qu’Homère donne à Zeus, qu’il appelle le dieu qui assemble les nuées. Le poète comique voulait faire entendre que la tête de Périclès était si grosse qu’elle semblait faite de l’assemblage de plusieurs. L’allusion était d’autant plus sensible que Périclès, à cause de son éloquence, avait reçu le surnom de Zeus Olympien.


10.
Le terme qui est dans le grec signifie heureux ; mais Cratinos le décompose, et le fait venir de deux mots, dont l’un veut dire tête, et l’autre est une particule qui sert à augmenter et à grossir les objets. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de faire sentir cette allusion dans notre langue. — Téléclidès, dont Plutarque cite tout de suite les vers, était aussi un poète de l’ancienne comédie. L’épithète que ce poète donne à Périclès, fait entendre que sa tête était si grosse, qu’elle ressemblait à une salle où l’on pourrait placer onze lits.


11.
Eupolis, poète de l’ancienne comédie, antérieur à Aristophane, avait fait trente-deux comédies dont il ne reste que des fragments. Il mourut en traversant l’Hellespont, victime, à ce qu’on croit, de la vengeance de quelqu’un de ceux qu’il avait attaqués dans ses pièces.


12.
Ce Damon est vraisemblablement celui dont parle Etienne de Byzance, au mot Oa, et qu’il fait originaire d’Oa, bourg de l’Attique, dans la tribu Pandionide. Il était si grand musicien, qu’il devint dans cet art chef d’une secte à laquelle il donna son nom. Plutarque, dans son traité de la musique, lui attribue l’invention de l’harmonie hypolydienne.


13.
Suivant Plutarque, ibid., ceux qui avaient écrit l’histoire de l’harmonie disaient que l’harmonie myxolydienne avait été inventée par le joueur de flûte Pythoclidès. On sait très peu de chose de ce musicien ; Platon, dans son premier Alcibiade, met un Pythoclidès au nombre des sages ou philosophes qui fréquentaient Périclès ; ce qui porte à croire que c’est le même que celui dont parle Aristote.


14.
Platon, poète de la vieille comédie, joue ici sur le mot Chiron, qui peut être pris pour le nom propre de Chiron, par allusion à l’éducation que ce centaure fit de plusieurs personnages célèbres de la Grèce, ou pour un comparatif qui signifie plus méchant. On peut donc l’expliquer de deux manières : As-tu été le précepteur de Périclès ? ou bien : Es-tu plus méchant que Périclès ? Il a été déjà question de Timon dans la vie de Numa, c. XI.


15.
Anaxagore, de Clazomène, était venu s’établir à Athènes, où il donnait des leçons de philosophie. Il fut le premier des anciens philosophes qui ne donna d’autre principe de la formation du monde, qu’une cause intelligente qui produisait seule tous les êtres. Avant lui, Thalès, Anaximènes, Anaximandre et les autres, admettaient bien cette cause intelligente dans la production de l’univers ; mais ils supposaient aussi d’autres principes secondaires auxquels ils donnaient également le nom de causes ; et c’est ce qui a trompé plusieurs savants modernes, qui ont cru tous ces philosophes matérialistes, et leur ont refusé toute idée d’un être intelligent distinct de la matière. J’ai déjà parlé dans la vie de Plutarque, qui précède la traduction de ses Vies parallèles, de la division qui subsiste entre les savants modernes sur l’idée précise que les sages du paganisme avaient de la Divinité. J’ai dit que les uns font de tous ces philosophes autant d’athées qui ne connaissaient d’autre dieu que la nature, que la matière éternelle, laquelle, s’étant organisée par sa propre force, avait formé les êtres divers qui composent le monde ; que d’autres au contraire sont persuadés que le plus grand nombre de ces philosophes ont admis un dieu intelligent, essentiellement distingué de la matière ; qu’à la vérité, ils ont reconnu comme principes des êtres différentes substances matérielles, telles que l’eau, l’air et le feu ; mais qu’ils n’entendaient par là que le principe passif et secondaire, que la cause matérielle avec laquelle les êtres avaient été formés par la cause première et efficiente, principe unique et universel de tout ce qui existe. C’est à ce dernier sentiment que je me suis attaché, comme au seul admissible ; et entre autres preuves j’ai rapporté, pour confirmer ce sentiment, un passage de Plutarque tiré de son traité sur l’inscription Ei, qui était au temple de Delphes. Ce passage me paraît fait pour décider la question, et pour établir incontestablement que les anciens philosophes ont connu, comme dit saint Paul, par les ouvrages visibles de Dieu, ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité. Le passage d’Anaxagore que je vais transcrire est bien propre à appuyer cette opinion et à la mettre dans le plus grand jour.

« Il est une intelligence infinie, toute-puissante, séparée de toute autre substance, qui subsiste seule et par elle-même... Elle est la plus simple et la plus pure de toutes les substances ; elle a la connaissance la plus étendue et la plus parfaite de toutes choses, avec une puissance sans bornes. L’intelligence connaît toutes les substances qui sont mêlées ensemble et toutes celles qui sont séparées. C’est cette intelligence qui a ordonné et disposé tout ce qui existera un jour et la manière dont tout doit exister. »

Il me paraît impossible de ne pas entendre ce passage important d’un être dont la nature est supérieure à la matière, et en est absolument distinguée par son essence. Anaxagore lui attribue l’infinité, l’autocratie ou la toute-puissance, une séparation parfaite et entière d’avec tous les autres êtres, séparation de nature et d’essence, puisqu’il subsiste seul et par lui-même dans une indépendance absolue. Cette simplicité, cette pureté, cette connaissance infinie de toutes choses, tous les attributs enfin qu’on lui donne, supposent l’être nécessaire, éternel, immuable, qui ne connaît pas la succession des temps, qui seul est, et dont l’existence est l’éternité, comme Plutarque le dit dans ce passage sur l’inscription du temple de Delphes.

Je sais bien que quelques savants modernes ne croient pas que les anciens philosophes aient attaché aux attributs sous lesquels ils se représentent la Divinité les mêmes idées que nous ; et que par les mots de simplicité, de pureté, de séparation des autres substances, ils n’ont pas exprimé la spiritualité, l’immatérialité, telles que nous les concevons ; qu’ils n’ont entendu par là qu’une matière extrêmement subtile, réduite aux principes les plus simples dont elle soit susceptible, qu’un éther extrêmement pur dont les éléments n’étaient sujets à aucune altération.

Je ne disconviendrai pas que telle a pu être en effet la pensée de la plupart des sages du paganisme, et qu’ils n’ont point eu une idée juste et exacte de la spiritualité et des autres attributs de l’Etre suprême. Mais nous-mêmes, avons-nous de cette essence divine, si supérieure à la raison humaine, si inaccessible à nos lumières, des notions bien précises ? Connaissons-nous seulement d’une manière claire l’essence de notre âme ? Pouvons-nous donner de la nature et des qualités de notre esprit des définitions lumineuses et évidentes ? N’est-ce pas plutôt en excluant les attributs qui ne lui conviennent pas, qu’en affirmant ce qu’il est, que nous pouvons parvenir à en faire connaître les opérations ? Faut-il donc s’étonner que les anciens, qui n’ont pas eu, comme nous, des lumières d’un autre ordre que celles de la simple raison, ne se soient pas élevés à l’idée précise, et telle que nous pouvons l’avoir nous-mêmes, de la spiritualité et de l’immatérialité de la nature divine ?

Il suffit pour justifier au moins quelques uns d’entre eux du reproche de matérialisme et d’athéisme qu’ils aient cru à l’existence d’un Etre suprême, d’une cause intelligente, spirituelle, distinguée de la matière, telle que les faibles lumières d’une raison abandonnée à elle-même pouvaient la concevoir. Or c’est une justice qu’on ne peut se dispenser de rendre à quelques philosophes de l’antiquité, et en particulier à Anaxagore. Le témoignage des anciens qui les ont suivis de près, et qui sont des juges bien plus sûrs que nous sur cette matière, puisqu’ils avaient les ouvrages de ces philosophes, et qu’ils pouvaient s’y instruire de leurs véritables sentiments, ne permet, ce me semble, aucun doute à cet égard. Il suffit de lire le passage du traité sur la nature des dieux, dans lequel Cicéron expose la doctrine du philosophe de Clazomène. Anaxagoras primus omnium rerum descriptionem et modum mentis infinitae vi ac ratione designari et confici voluit (I, 2) « Anaxagore est le premier qui ait enseigné que le système et l’arrangement de tous les êtres ont été conçus et exécutés par la force et la sagesse d’un esprit infini. »

« Tout, dit M. Batteux dans son Histoire des causes premières, » p. 377, tout est renfermé dans ce texte précieux. Un esprit infini, mens infinita ; la force et la sagesse, vis ac ratio ; le plan et l’exécution, designari et confici ; les détails et les formes, descriptionem et modum ; l’universalité des êtres, omnium rerum : tout vient de Dieu, tout appartient à Dieu. »

Il serait facile de multiplier les passages des auteurs anciens qui attribuent celte opinion à Anaxagore ; mais ils seraient inutiles après un texte aussi formel que celui de Cicéron. Je me contenterai d’ajouter ici un témoignage éclatant rendu à ce philosophe par un peuple entier, celui d’Athènes, qui, plein d’admiration pour la découverte sublime d’Anaxagore, éleva en son honneur deux autels, l’un à l’Intelligence, l’autre à la Vérité. Il est vrai que cet hommage si flatteur n’empêcha pas le même peuple, comme on l’a vu dans la vie de Périclès, de recevoir avec plaisir la dénonciation qui fut faite contre Anaxagore, comme coupable de ne pas reconnaître l’existence des dieux, et d’enseigner des doctrines nouvelles sur les phénomènes célestes. Mais ces sortes de contradictions ne doivent pas étonner dans une multitude qui, toujours dupe de ses chefs, et n’ayant jamais d’opinion à elle, se laisse emporter à toutes les passions qu’on lui inspire. L’érection de ces deux autels est au moins une preuve incontestable qu’on ne doutait pas à Athènes qu’Anaxagore n’eût reconnu une intelligence suprême, essentiellement différente de la matière, cause efficiente et unique de l’organisation de l’univers.

Mais, comme l’observe M. Batteux dans l’ouvrage que nous avons déjà cité, page 373, « le dogme du philosophe n’était pas encore mûr pour la philosophie : celle-ci ne pouvait y revenir qu’après de longs efforts et de longues erreurs. » L’accusation d’Anaxagore était une leçon pour les philosophes qui vinrent après lui d’être plus préservés dans l’enseignement d’une doctrine qui heurtait les opinions généralement reçues, et le plus grand nombre d’entre eux profitèrent de cet exemple pour envelopper leur doctrine, et la rendre conforme, quant à la manière de l’énoncer, à ce que la multitude faisait profession de croire. Socrate, contemporain d’Anaxagore, quoique plus jeune que lui, ayant eu le courage d’enseigner le dogme déjà établi par ce philosophe, fut condamné à boire la ciguë ; et cette condamnation dut rendre beaucoup plus circonspects les philosophes qui le suivirent. De là vient l’obscurité qui règne dans ceux de leurs ouvrages que le temps a respectés : ils avaient recours, pour indiquer des vérités qu’ils n’osaient présenter ouvertement, à des expressions nouvelles, à des abstractions métaphysiques, inintelligibles au vulgaire, et qui leur ménageaient des moyens faciles d’échapper à l’accusation qu’on eût pu leur faire d’enseigner des doctrines nouvelles.

C’est ce qui accrédita, du temps même de Socrate, le dogme d’une âme universelle, répandue dans toutes les substances dont le monde est composé, et qui est le principe de leur mouvement, de leur activité, des qualités qui les différencient et les séparent ; dogme très ancien, que Pythagore établit plus particulièrement, ce qui l’en fit regarder presque comme l’inventeur. C’est à lui que Cicéron, dans son traité de la nature des dieux, liv. I, c. XI, semble en attribuer la découverte : « Pythagore a dit que Dieu était un esprit répandu et agissant dans toute la nature, et que nos âmes étaient des parcelles de sa substance. » Virgile a développé cette doctrine dans ces beaux vers de ses Géorgiques, liv. IV, vers 221 et suiv. : Deum namque ire per omnes/Terrasque tractusque maris, coelumque profundum ;/Hinc pecudes, armenta, viros, genus omne ferarum. Mais ce système d’une âme universelle n’empêchait pas que les philosophes qui l’enseignaient n’admissent en même temps une cause efficiente, distinguée de la matière, et qui avait, sinon créé (car ils n’avaient pas l’idée d’une création proprement dite), au moins formé et organisé les divers êtres qui entrent dans la composition du monde. Timée de Locres, un de ceux qui firent de ce dogme la base de leur doctrine, et qui essayèrent d’en expliquer l’action et les effets par une voie toute nouvelle, dit qu’il y a une substance divine, pure, inaltérable, intelligente, qui embrasse le corps du monde, et une âme distribuée dans ce corps par une extension continue et proportionnelle de sa substance, laquelle exécute les ordres généraux de la suprême Intelligence ; comme on voit l’âme de l’homme exercer, sous les directions générales de la Providence, ses différentes fonctions, selon les organes du corps qu’elle anime. Il y avait donc dans la nature, suivant ce philosophe, deux principes, l’un se portant au bien avec connaissance et par choix, nommé à juste titre Intelligence et Amour ; l’autre, ne s’y prêtant que par force, nommé Haine ou Nécessité : l’un principe d’union et d’ordre, appelant les parties à la composition régulière d’un tout ; l’autre, principe de désunion et de désordre, minant sans cesse les individus pour les rompre et les dissoudre ; formant tous deux ensemble cette loi suprême et inexplicable appelée Destin, douce violence mêlée de contrainte et de persuasion. C’est ainsi que M. Batteux, ibid., p. 272-274, a exposé la doctrine du philosophe de Locres.

Platon a adopté les idées de Timée, dont il a développé la doctrine obscure dans un commentaire plus obsur encore, où il a changé les expressions employées par ce philosophe, et substitué aux termes Intelligence et Nécessité, qui dans celui-ci désignent les deux causes principales de l’organisation du monde, ceux d’Être toujours le même, et d’Etre toujours autre. Le premier de ces deux êtres ou de ces deux principes est celui en qui résident essentiellement et immuablement la sagesse, l’ordre, la puissance, la raison suprême, la cause de toute perfection et de toute beauté. L’être toujours autre est un être sans qualité, sans forme, indifférent à toutes les manières d’être ; c’est la matière. Il est impossible de ne pas reconnaître dans l’être toujours le même l’idée active et substantielle de Dieu même, qui tend, par son activité intelligente, à soumettre à l’ordre et à l’unité de dessein, à réunir sous une forme régulière les parties désordonnées de l’autre principe. L’être toujours autre, étant fait pour contraster symétriquement avec l’essence toujours la même, ne peut être qu’un principe de trouble, de discorde et de corruption, qui tend sans cesse à la destruction et à la mort, comme l’essence contraire tend à la génération et à la vie. C’est ainsi que Plutarque l’explique dans son Commentaire sur le Timée de Platon, dans ses OEuvres morales, et qui a pour objet d’expliquer la création de l’âme du monde. — Voyez aussi M. Batteux, dans son Histoire des causes premières, page 275-278.

Après de telles autorités, on peut être surpris que des personnes instruites soutiennent que tous les anciens philosophes, sans excepception, ont été matérialistes et athées ; qu’ils n’ont point reconnu un être intelligent, séparé par essence de la matière, cause première et unique de toutes les substances créées. Il serait bien étonnant qu’une vérité qui est encore plus de sentiment que d’intelligence, en faveur de laquelle notre coeur réclame avec tant de force, qui est écrite en traits de feu dans le tableau des cieux, et que toute la nature annonce avec tant d’éclat ; qu’une telle vérité eût été entièrement méconnue par des hommes à qui l’on ne peut refuser des lumières, et qui, pendant tant de siècles, ont fait les plus grands efforts pour parvenir à connaître les causes premières et efficientes de la formation de l’univers. Les passions, l’intérêt et la crainte ont pu ou obscurcir en eux les vérités que leurs réflexions leur avaient fait découvrir, ou les obliger d’en affaiblir l’enseignement ; mais puisque, selon saint Paul, ils ont retenu la vérité captive, ils la connaissaient donc, et l’injustice qui la leur a fait dissimuler rend leur silence inexcusable.

Une nouvelle preuve que j’ajouterai à ce que j’ai déjà dit, c’est la connaissance générale qu’ils ont eue de la spiritualité et de l’immortalité de notre âme. Cicéron, qui, dans ses ouvrages philosophiques, nous représente les opinions des philosophes de la Grèce, dont il avait étudié avec soin la doctrine, s’explique sur ce point de la manière la plus forte et la plus précise. « A moins, dit-il, que nous ne soyons d’une ignorance crasse en physique, nous ne pouvons douter que notre âme ne soit un être simple, exempt de tout mélange, de toute concrétion, de toute union et association de parties ; que par conséquent elle ne puisse être ni divisée, ni séparée, ni partagée ; et par une suite nécessaire, qu’elle ne soit immortelle, puisque la mort n’est que la séparation des parties qui étaient unies entre elles. » Tusculanes, liv. I, c. xxix. Une idée si juste de la nature de notre âme pouvait-elle être séparée de la connaissance des attributs de Dieu ? et n’est-ce pas faire injustice à ces philosophes que de les accuser d’athéisme ?


16.
Ion était un poète tragique de l’île de Chio, et contemporain de Périclès. Aucune de ses tragédies n’est parvenue jusqu’à nous ; il ne nous reste que quelques fragments de ses Élégies.


17.
Les anciens poètes tragiques faisaient jouer ordinairement, dans les jeux où ils disputaient le prix de leur art, quatre pièces dramatiques comprises sous le nom général de tétralogies, et dont la dernière était toujours une tragédie satirique, dans laquelle on voyait figurer, avec les rois et les héros, des satyres dont le rôle plaisant et bouffon contrastait avec la dignité des autres personnages. Il ne nous reste, de ces pièces satiriques que le Cyclope d’Euripide. C’est à cet usage que Plutarque fait ici allusion.


18.
Ce Thucydide, que nous verrons, dans la suite de cette vie, opposé par les nobles à Périclès, lorsque celui-ci se fut ouvertement déclaré pour le parti populaire, était différent de l’historien qui a écrit la Guerre du Péloponnèse : ce dernier était fils d’Olore, et l’autre de Mélésias.


19.
Nous dirions aujourd’hui le son des trompettes et des tambours ; les Grecs se sont servis quelquefois de bassins d’airain pour donner les signaux dans les armées, et les Romains les employaient pour appeler les athlètes aux exercices du gymnase, comme on le voit par un passage de Cicéron, dans le second livre De l’orateur, c. III « Dans ce temps-ci, dit-il, quoique tous les gymnases soient remplis de philosophes, cependant leurs auditeurs aiment mieux entendre le son du disque que la voix d’un sage. Si au milieu d’un discours le bruit de cet instrument vient frapper leurs oreilles, à l’instant ils abandonnent un philosophe qui traite des matières les plus sérieuses et les plus importantes, pour aller se faire frotter d’huile. » Les disques étaient aussi en usage dans les tribunaux pour les jugements, comme on le voit dans Pollux, liv. X, c. LXI ; mais on ne sait pas précisément à quoi ils servaient.


20.
Il n’était établi que contre ceux dont on craignait le crédit.


21.
Chez les anciens, le repas finissait par des libations ; quand elles étaient faites, on recommençait à boire et à s’entretenir, assez longtemps, sur différentes sortes de sujets, suivant le caractère et le goût des convives. Les Banquets de Platon et de Xénophon, les Propos de table de Plutarque, sont des résultats de ces conversations.


22. C’était un vaisseau sacré qu’on n’employait que dans des occasions extraordinaires, comme celle d’envoyer chercher des généraux pour leur faire leur procès ; nous en voyons un exemple dans la vie d’Alcibiade. Critolaos, philosophe péripatéticien, fut, du temps de Caton le censeur, l’an de Rome cent quatre-vingt-dix-huit, député vers le sénat avec Diogène le stoïque et Carnéade l’académicien. Il en est fort question dans la vie de ce Romain.


23.
Ce passage est tiré du huitième livre de la République de Platon, où ce philosophe fait voir comment l’abus du gouvernement populaire amène toujours la tyrannie.


24.
Ces images, d’une hardiesse poétique, représentent au naturel les excès dont une populace effrénée est capable. L’Eubée, aujourd’hui Négrepont, est une île qu’un bras de mer fort étroit sépare de l’Attique, dont elle était le grenier. Les îles sont celles de la mer Egée, qui la plupart furent assujetties par les Athéniens avant et pendant la guerre du Péloponnèse, et soumises à de dures exactions, quoiqu’elles contribuassent beaucoup au commerce et à la richesse d’Athènes.


25.
Expression heureuse, et qui méritait d’être conservée. Les idées et les images empruntées de la physique sont comme des couleurs qui relèvent les raisonnements qu’on emploie dans le discours, et qui en tempèrent la sécheresse.


26.
C’est à la fin de son Phèdre. Platon y établit que pour être véritablement éloquent, il faut joindre à des dispositions heureuses une connaissance générale de la nature, qui n’est pas moins nécessaire pour être excellent médecin, ce qu’il prouve par un passage d’Hippocrate, dans son traité de la nature humaine. Platon cite également l’étude que Périclès avait faite de la physique et des autres branches de la philosophie, pour fortifier et enrichir son éloquence.


27.
Ce que dit ici Plutarque semble contredire Suidas, qui avance que Périclès fut le premier qui écrivit ses discours avant de les prononcer, au lieu que les autres orateurs parlaient sur-le-champ ; cette prière ne convient qu’à un orateur qui parle sans préparation. Quintilien lui en attribue une autre plus politique : il assure que Périclès demandait aux dieux de ne rien dire qui ne fût agréable au peuple. Il paraît, d’après cet endroit de Plutarque, que les harangues qu’on avait de son temps sous le nom de Périclès passaient pour des ouvrages supposés : aussi Quintilien ne trouvait-il pas qu’elles répondent à la haute réputation d’éloquence que Périclès avait eue. Ceux que nous avons dans Thucydide soutiendraient cette réputation ; mais ils sont l’ouvrage de cet historien, qui a seulement tâché de rendre le mieux qu’il lui était possible le caractère de l’éloquence de ce célèbre Athénien. — Egine, île du golfe Saronique, semblait, par son commerce florissant et par sa puissance, offusquer la gloire du Pirée, en face duquel elle était située.


28.
Lorsque Périclès prit cette île.


29.
Thémisiocle, comme on l’a vu dans sa vie, avait engagé les Athéniens à appliquer l’argent qu’on retirait des mines de Laurium à la construction de galères ; et cet emploi utile des revenus publics avait inspiré le goût du travail et de l’application. Périclès, en distribuant de l’argent au petit peuple pour assister aux spectacles et pour remplir les fonctions publiques, mérita le reproche de l’avoir rendu paresseux, de lui avoir inspiré le goût des plaisirs, et surtout d’avoir donné à une populace ignorante et grossière une influence funeste dans le gouvernement.


30.
Ios était une des îles Sporades, dans la mer Egée, où l’on dit qu’Homère fut enterré. Quelques savants ont corrigé ce mot et ont écrit Oathen, du bourg d’Oa, un des bourgs de l’Attique où ce Démonidès était né.


31.
Il fallait avoir passé par quelqu’une de ces charges pour monter au conseil de l’aréopage. Comme ce conseil faisait la principale force des nobles, Périclès s’attacha à lui ôter sa puissance et son autorité.


32.
En Béotie, entre les fleuves Isménos et Asopos.


33.
Ils obtinrent pour cela un ordre du conseil.


34.
Nous voyons dans la vie de Cimon qu’ils étaient au nombre de cent ; que Cimon, en quittant l’armée, les conjura de faire dans les combats les plus grands efforts de bravoure, pour se justifier des soupçons injustes qu’on avait conçus contre eux. Ils trouvèrent le moyen de combattre comme en présence de Cimon, quoiqu’il fut absent, et obéirent fidèlement aux ordres qu’il leur avait laissés.


35.
Idoménée de Lampsaque, disciple d’Épicure, avait écrit, suivant Diogène Laërce, liv. II, seg. XX, l’Histoire des disciples de Socrate, et celle de Samothrace. Voyez Vossius De hist. graec., liv. I, c. XI. Le récit de cet historien sur le meurtre d’Éphialtès par Périclès est sans vraisemblance ; et le témoignage d’Aristote, qui lui est contraire, mérite bien plus de confiance.


36.
Au siège de Citium, ville de Chypre.


37.
Amyot l’a fait à tort beau-père de Cimon.


38.
Les Bisaltes habitaient une contrée de la Macédoine appelée Bisaltie, aux confins de la Thrace. Étant tout à l’est du fleuve Strymon, il semble qu’elle devrait être mise constamment au nombre des contrées de Macédoine ; mais comme cette rivière n’a pas toujours été la borne des deux royaumes, la Bisaltie a été comprise tantôt dans la Macédoine et tantôt dans la Thrace. Voyez l’Hérodote de M. Larcher, tome VII, p. 58. — L’ancienne Sybaris, ville de la grande Grèce en Italie, fut, suivant Plutarque, dans son traité sur les délais de la justice divine, détruite trois fois : rebâtie en dernier lieu, non pas au même endroit, mais à une petite distance, elle prit le nom de Thurium.


39.
Tout l’argent que les villes de Grèce consignaient chaque année pour faire la guerre aux Mèdes, et celui qu’on tirait des impôts, était déposé dans le temple d’Apollon à Délos, sous la garde de trésoriers nommés par les Grecs. Les Athéniens firent transporter ce trésor à Athènes, et Périclès en employa la plus grande partie en édifices publics.


40.
C’est le temple d’Athéna, appelé Parthénon, que les ennemis de Périclès désignent ici. Il avait en effet coûté mille talents.


41.
Plutarqne met les charrons parmi ceux qui amènent les matériaux destinés à ces édifices, et les place même avant les voituriers et les charretiers ; il y compte aussi les cordiers. Je ne vois pas comment les charrons et les cordiers auraient été employés ou préposés à la conduite de ces matériaux. J’ai donc cru, pour une plus grande exactitude, devoir distinguer ces deux emplois, que Plutarque a pu confondre par distraction ; peut-être aussi y a-t-il eu quelques mots d’oubliés dans le texte.


42.
Plutarque exprime ici, sous les métaphores les plus agréables, ce qui fait le caractère de la perfection dans les ouvrages de goût. Il faut que la main du temps, qui imprime à toutes les productions ordinaires les rides de la caducité, leur conserve cette fleur de jeunesse qu’entretient en eux un esprit vivifiant et inaltérable ; il faut que, par un contraste merveilleux et dont le secret est révélé à peu de personnes, ils aient à leur naissance ces formes belles et majestueuses qui caractérisent l’antique, et qu’après une longue suite d’années ils conservent encore cet air de fraîcheur et de nouveauté qui est le partage de la jeunesse.


43.
Ce temple, consacré à Athéna sous le nom de Parthénon ou temple de la Vierge, était surnommé Hécatompède, non qu’il eût cent pieds en tous sens, comme on l’a cru mal à propos, mais parce que sa façade avait cette longueur : car on voit par ses ruines magnifiques, qui existent encore, qu’il avait plus de deux cents pieds de long et soixante-cinq pieds de haut. Il était dans la citadelle d’Athènes. On en trouve le dessin dans l’atlas qui accompagne le Voyage d’Anacharsis. Après plus de deux mille ans, disent les éditeurs d’Amyot, on admire encore jusque dans ses ruines l’élégance des proportions, la beauté des bas-reliefs et la blancheur du marbre. Voyez les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce, par M. Le Roy, tome I, p. 8 et 30, 2e édit.


44.
Cet édifice, disent les éditeurs d’Amyot, est remarquable par les deux étages de colonnes, tels qu’on en voit encore à Paestum ou Posidonia dans les beaux temples faits sur le modèle de ceux d’Athènes. La lanterne ou la coupole mérite aussi une attention particulière. Dès le temps de Périclès, l’architecture connaissait les grands moyens de décoration.


45.
Elle avait, suivant les mêmes éditeurs, quarante stades ou cinq milles de longueur, et quarante coudées de hauteur ; elle était si large, que deux chariots pouvaient y passer de front. Elle embrassait le Pirée, et le joignait à la ville d’Athènes. Socrate en parle dans le Gorgias de Platon, et il l’appelle la muraille du milieu.


46.
La commodité du lieu faisait que les poètes et les musiciens s’y assemblaient pour y réciter ou chanter leurs ouvrages ; et cette dernière destination fit donner à cet édifice, qui existe encore, le nom d’Odéon, d’un verbe grec qui signifie chanter. On y tenait aussi le marché au blé, et c’était là que se discutaient toutes les affaires qui regardaient les blés, et tous les procès pour les aliments qui étaient dus. Le comble de cet édifice, soutenu par des colonnes de pierre ou de marbre, avait été construit, selon Vitruve, liv. V, c. IX, du produit des antennes et des mâts enlevés aux vaisseaux des Perses, et sa forme imitait celle de la tente de Xerxès, comme Plutarque vient de le dire. L’Odéon fut brûlé au siège d’Athènes par Sylla, suivant Appien, Guerre de Mithridate, et réparé bientôt après par Ariobarzane, roi de Cappadoce. Les Propylées étaient les magnifiques vestibules de l’Acropole ou citadelle. Voyez, sur la fête des Panathénées, ce qui en a été dit dans la vie de Thésée, c. XXII.


47.
C’était la plante nommée parthénium, aujourd’hui la camomille puante ou la matricaire. Pline, liv. XXII, c. XVII, rapporte aussi cette guérison miraculeuse, et dit que ce fut de là que cette plante prit le nom de parthénium, virginale, et fut consacrée à Athéna, déesse vierge. Périclès fit faire aussi la statue de cet esclave, qui représentait un jeune homme soufflant à pleines joues sur des charbons : on l’appelait le splan chnoptès, qui fait rôtir des entrailles. Cette statue célèbre, dit le même auteur, liv. XXXIV, c. VIII, était l’ouvrage de Stipas le Cyprien.


48.
Qui donne la santé.


49.
Cette statue, un des chefs-d’oeuvre de Phidias, était d’or et d’ivoire. Pausanias, liv. Ier, c. XXIV, nous en a conservé la description. La déesse était debout et vêtue d’une tunique qui lui descendait jusqu’aux talons. Sur le devant de son égide et de sa cuirasse étaient la tête de Méduse et la Victoire. Elle tenait une pique et avait à ses pieds son bouclier et un dragon qu’on croyait étre Erichthonios. Sur le milieu de son casque était représenté le sphinx, et aux deux côtés deux griffons. On doit juger de la hauteur de cette statue par la grandeur de la Victoire qu’elle avait sur son égide, laquelle était d’environ quatre coudées, et par les quarante talents pesant d’or qu’on y avait employés, suivant Thucydide, liv. II, c. XIII. Pausanias parle aussi d’Athéna Hygiée. Près de la statue de Déitrephès, dit-il, c. XXIII, on voit la statue de la Santé, qu’on dit fille d’Asclépios, et celle d’Athéna Hygiée ou Salutaire. Si Plutarque observe que le nom de Phidias était gravé sur le piédestal, c’est qu’il était défendu sous peine de mort aux artistes d’inscrire leur nom sur leurs ouvrages. On dit que le statuaire Myron avait gravé son nom en très petites lettres dans l’intérieur de la cuisse de sa célèbre génisse, ce qui ajoutait un très grand prix à cet ouvrage.


50.
Les paons étaient alors des oiseaux rares et estimés. On voit par la satire seconde du second livre des Satires d’Horace combien de son temps même ils étaient recherchés à Rome. Plutarque observe à ce sujet, avec raison, qu’on ne doit pas ajouter foi aux railleries et aux médisances de ceux qui font métier de médire, et qui sacrifieraient à cette basse manie la réputation des plus honnêtes gens plutôt que de perdre un bon mot. Ce que notre historien ajoute plus bas de l’offre que fit Périclès de se charger seul de la dépense qu’avaient coûté les édifices publics d’Athènes ne peut guère se concilier avec ce qu’il dira bientôt que Périclès n’avait pas augmenté d’une seule drachme, pendant son administration, les biens que son père lui avait laissés : car il paraît par Thucydide, liv. II c. XIII, que le trésor des Athéniens était de neuf mille sept cents talents, environ quarante-sept millions et demi, et que Périclès en avait dépensé pour ces édifices trois mille sept cents, c’est-à-dire environ dix-huit millions cinq cent mille livres. Comment donc pouvait-il prendre un engagement si fort au-dessus de sa fortune ? Il comptait bien apparemment que le peuple ne lui céderait pas un pareil honneur, et il voulait par là le forcer à lui allouer ses dépenses. M. Gillies, dans son Histoire de l’ancienne Grèce, tome III, page 14 de la traduction française, observe qn’avec la somme que Périclès dépensa pour ces édifices il aurait pu commander autant de travaux qu’avec cent cinquante ou quatre-vingts mil-lions de notre monnaie dans le siècle présent.


51.
Dans son Phèdre, tome III, p. 270.


52.
Liv. II, c. LXV.


53.
Ils les comparaient aux gardes qu’on avait donnés à Pisistrate, lorsqu’il feignit d’avoir été attaqué par ses ennemis, et dont il se servit pour usurper la tyrannie. — Voyez la vie de Solon, c. XLI.


54.
C’était la coutume de se couvrir la tête, quand on voulait se donner la mort. On en voit un exemple dans la satire troisième du second livre d’Horace, vers 37, où Damasippe dit qu’ayant ruiné ses affaires, il allait se jeter, la tête couverte, dans la rivière, lorsque le philosophe Stertinius l’en détourna. Au reste, Diogène Laërce, dans la vie d’Anaxagore, liv. II, seg. VI, dit que ce philosophe donna ses terres à ses parents.


55.
Le véritable but de Périclès était de faire reconnaître Athènes comme la première ville, et, pour ainsi dire, la capitale de toute la Grèce ; et c’est sous ce rapport que Plutarque regarde ce décret comme une marque de l’élévation d’esprit et de la magnanimité de Périclès.


56.
Ce peuple avait pénétré les vues secrètes de Périclès ; et il se garda bien de céder un si grand honneur aux Athéniens, qu’il regardait comme ses rivaux, et qui auraient bientôt profité de l’ascendant que leur aurait donne cette reconnaissance tacite de leur suprématie pour établir leur domination sur tout le reste de la Grèce.


57.
Il avait ravagé le Péloponnèse, brûlé les vaisseaux des Carthaginois, battu les troupes de Sicyone, et pris la ville de Chalcis sur les Corinthiens. Il perdit ensuite la bataille de Coronée contre les Lacédémoniens, la deuxième année de la quatre-vingt-troisième olympiade, quatre cent quarante-cinq ans avant J.-C, plus de vingt ans avant la mort de Périclès. Xénophon combattit auprès d’Agésilas dans cette fameuse journée, l’une des plus mémorables de ce temps-là, au rapport de cet historien, Liv. IV de son Histoire, et de son Discours sur Agésilas.

58. Il n’y avait d’Athéniens que ces mille volontaires ; les autres troupes étaient des alliés.


59.
C’est l’entrée de la Chersonèse de Thrace, qui appartenait aux Athéniens, comme on le voit dans Hérodote, Liv. VI, c. XXXVI. C’est aujourd’hui la Crimée, défendue par la forteresse de Perekop.


60.
La ville d’OEnée était dans l’Acarnamie. Périclès en fit le siège, mais il ne put s’en rendre maître. Cette course dans le Péloponnèse eut lieu la dernière année de la quatre-vingt-unième olympiade, suivant Thucydide, Liv. I, c. CXI.


61.
Sinope, ville de la Paphlagonie, sur les bords du Pont-Euxin, aujourd’hui la mer Noire, était une colonie de Milet.


62.
Ce tyran est inconnu.


63.
Thucydide, liv. II de son Histoire, c. CIX, dit que les Athéniens avaient été maîtres de l’Egypte : ils venaient d’en être chassés par Mégabyse, lieutenant d’Artaxerxe, la première année de la quatre-vingtième olympiade.


64.
Quinze ou seize ans après la mort de Périclès.


65.
On lui donna ce nom, parce qu’elle eut pour motif le temple d’Apollon à Delphes. Il y en eut une autre du même nom, et beaucoup plus célèbre, du temps de Philippe de Macédoine.


66.
Ce loup d’airain avait été consacré par les habitants de Delphes, et placé à côté du grand autel. Voici à quelle occasion. Un voleur, après avoir pillé le trésor de leur temple, alla se cacher dans le plus épais de la forêt du mont Parnasse. Un loup, l’ayant rencontré, se jeta sur lui et le tua. Depuis, cet animal allait tous les jours dans la ville de Delphes, où il poussait des hurlements affreux. Les Del-phiens, frappés de ses courses réitérées, crurent y reconnaître quelque avertissement que les dieux leur donnaient. Ils suivirent donc le loup, qui les mena jusqu’au lieu où était le cadavre, auprès duquel ils trouvèrent tout l’argent qui avait été volé ; et pour conserver la mémoire de ce prodige, ils consacrèrent un loup d’airain dans leur temple. D’autres, rejetant cette tradition fabuleuse, croient tout simplement qu’il y avait été placé par les Delphiens pour marquer un des attributs d’Apollon, qui était appelé l’exterminateur des loups. — Voyez Pausanias, liv. X, c. XIV.


67.
Thucydide, qui place cette expédition quatorze ans avant le commencement de la guerre du Péloponnèse, dit que Plistonax fut banni, parce qu’on crut qu’il s’était laissé corrompre à prix d’argent pour faire cette retraite. — Voyez, liv. II, c. xxi.


68.
Qui nourrissent des chevaux.


69.
Cinq ans après.


70.
Socrate et Platon.


71.
C’est-à-dire qu’elle descendait de ces anciens Ioniens envoyés en colonie dans la partie de l’Asie mineure qui prit d’eux le nom d’Ionie. Cette femme dut à sa grande beauté de régner en Thessalie ; mais elle périt misérablement, et fut tuée par un de ses amants.


72.
C’est l’orateur Athénien rival de Démosthène.


73.
On ne connaît que deux Lysiclès qui aient joué un rôle considérable à Athènes. Le premier fut envoyé avec douze vaisseaux afin de ramasser l’argent qui était nécessaire pour continuer le siège de Mitylène ; il fut tué dans ce voyage par les Cariens. Mais ce ne peut être celui dont parlait Eschine, puisqu’il périt un an après la mort de Périclès, et que, dans un si court intervalle, il n’avait pas eu le temps de former d’assez grands rapports avec Aspasie pour devenir un personnage si considérable. Le second fut celui que les Athéniens firent mourir pour avoir été la principale cause du désastre de Chéronée, comme on le voit dans le seizième livre de Diodore de Sicile, c. LXXXVIII, où cet historien nous a conservé uu fragment du discours que l’orateur Lycurgue prononça contre ce général, et qui échauffa tellement les esprits des Athéniens, que, sans donner à Lycurgue le temps d’achever, ils prononcèrent l’arrêt de mort contre Lysiclès, et sur-le-champ l’envoyèrent au supplice. Si c’était ce dernier Lysiclès dont il est question dans Plutarque, il faudrait qu’Aspasie eût survécu bien longtemps à Périclès : car la bataille de Chéronée se donna la troisième année de la cent dixième olympiade, plus de quatre-vingt-dix ans après la mort de Périclès.


74.
Le Ménexène est écrit, en général, sur un ton de plaisanterie. Socrate, en approuvant la coutume de louer publiquement ceux qui étaient morts en combattant pour leur patrie, y raille finement la vanité des Athéniens, dont les louanges remplissaient plus de la moitié de ces oraisons funèbres, qui par là étaient beaucoup moins l’éloge des morts que celui des vivants. Ce dialogue est plein de traits d’une satire fine et délicate. Platon y dit en propres termes qu’Aspasie avait formé un grand nombre d’orateurs.


75.
Aspasie, étant de Milet, devait naturellement se déclarer pour sa patrie. La vérité est que les Milésiens envoyèrent à Athènes des ambassadeurs pour parler contre Samos, et quelques Samiens mal intentionnés se joignirent à cette députation. Il n’en fallait pas davantage pour engager les Athéniens à aller changer dans Samos un gouvernement qui leur était suspect, et qui favorisait les Perses. Voyez Thucydide, Liv. I, c. CXV. Mais on a voulu donner à cette guerre si fameuse des motifs qui répondent bien peu à son importance. Nous verrons plus bas que les poètes comiques, échos des bruits populaires, disaient qu’elle avait eu pour motif secret le ressentiment de cette courtisane offensée par quelques jeunes gens de Mégare, et que Périclès avait vengée par un décret sévère qu’il fit porter contre les Mégariens ; décret qui, en excitant de leur part les plaintes les plus vives, fit entrer dans leur querelle plusieurs peuples de la Grèce. D’autres ont prétendu que Périclès ne suscita cette guerre que pour se tirer de l’embarras de rendre ses comptes, et on suppose que ce fut Alcibiade qui lui en donna le conseil, comme nous le verrons dans sa vie. Mais cette anecdote si peu vraisemblable en soi, et indigne d’un homme tel que Périclès, que sa conduite mit à l’abri de tout reproche tant qu’il fut à la tête des affaires, cette anecdote, dis-je, est démentie par Thucydide, liv. II, c. LXV. Le témoignage de cet historien impartial ne doit laisser aucun doute à cet égard. L’obstination de Périclès à ne vouloir pas révoquer le décret qu’il avait fait porter contre les Mégariens put bien hâter le moment de cette guerre. Mais ses vraies causes furent l’orgueil qu’inspirèrent aux Athéniens leurs grands exploits dans les guerres médiques, l’abus qu’ils firent de leur prééminence sur le reste de la Grèce, qui en avait été le fruit ; enfin la jalousie de Sparte, qui, n’ayant pu voir tranquillement passer en d’autres mains un empire qu’elle avait si longtemps exercé sans concurrence, réveilla celle des autres peuples, suscita partout des ennemis aux Athéniens, dont la conduite avait excité un mécontentement général, et amena enfin cette guerre fameuse, qui dura vingt-huit ans. — Prienne, qui occasiona la guerre contre Samos, était entre cette dernière ville et celle de Milet.


76.
Ceux qui gouvernaient dans Samos tenaient le parti des Perses. Pissouthnès, qui commandait pour ce roi dans Sardis, devait donc favoriser les Samiens. Les dix mille pièces qu’il offrit à Périclès, et qui étaient vraisemblablement des dariques, devaient faire environ deux cent vingt-cinq mille livres de notre monnaie. Quand Périclès fut maître de Samos, afin d’assurer le gouvernement populaire qu’il y avait établi, il mit une garnison dans la ville, ce que Plutarque ne dit pas. — Voyez Thucydide, liv. I, c. CXV.


77.
Une des Sporades, en face de Samos.


78.
C’est-à-dire qui portaient des troupes de débarquement.


79.
Il y avait quarante vaisseaux d’Athènes et vingt-cinq de Chio et de Lesbos. Ibid., c. 116.


80.
La mer Méditerranée.


81.
Mélissos, disciple de Xénophane et de Parménide, deux des chefs de l’école éléatique, enseignait que l’univers est infini, immuable, immobile, unique, semblable à lui-même, et que tous ses espaces sont remplis ; il n’admettait ni mouvement réel, ni génération, ni corruption. Diogène Laërce, dans la vie de ce philosophe, liv. IX, seg. XXIV, parle aussi de ses exploits comme général des Samiens.


82.
Thucydide ne dit rien de ces barbaries réciproques. — La chouette était l’oiseau d’Athéna ; on la voit sur un grand nombre de médailles athéniennes.


83.
Il durait depuis neuf mois.


84.
L’usage d’employer la fève blanche comme un signe favorable est antérieur à Périclès ; on le trouve établi fort anciennement dans les tribunaux pour absoudre les accusés.


85.
Qu’on porte de côté et d’autre.


86.
Ces vers ont été conservés par Athénée, liv. XII, c. IX. Les voici tels qu’ils ont été traduits par M. Dacier : « La blonde Eurypile a du goût pour Artémon, qui se fait porter dans sa chaise. Auparavant cet homme portait un habit fort étroit ; il n’avait que des sabots, et pour manteau il était réduit à un vieux cuir de boeuf qui avait servi longtemps à couvrir un méchant bouclier ; il ne voyait que des gens de néant, des hommes vicieux, avec lesquels il menait une vie très débordée, qui l’a souvent fait mettre au pilori, et plus souvent encore lui a fait donner les étrivières, arracher la barbe et les cheveux. Mais présentement ce fils d’esclave ne va que sur un char magnifique ; il est tout éclatant d’or, et, comme les femmes les plus délicates, il fait porter au-dessus de sa tête un parasol d’ivoire. » Il n’est pas possible que l’Artémon dont parle ce poète soit le même que celui de Plutarque, lequel a vécu environ cent cinquante ans après le premier. Il est singulier, d’un autre côté, qu’il y ait eu deux hommes du même nom, avec le mère défaut corporel et le même caractère. On peut soupçonner que celui du siège de Samos n’avait de commun avec l’autre que le nom, et que Plutarque aura attribué à celui-ci ce qui convenait à l’autre. Il est difficile de croire qu’un homme qui avait assez de génie pour inventer des machines de guerre, et qui en suivait les opérations avec tant d’application, ait mené une vie aussi licencieuse et aussi vile que celui dont Anacréon a tracé le portrait.


87.
Cet historien vivait du temps de Ptolémée Philadelphe. Il avait fait un traité sur la tragédie, L‘Histoire de Libye, celle d’Agathocle de Syracuse, celle des Macédoniens ou des Grecs, et un livre des limites des Samiens. Cicéron, liv. VI, ad Attic., ép. 1, dit de lui qu’il était historien exact ; ce témoignage ne s’accorde pas avec le jugement que Plutarque en porte, en l’accusant de sacrifier la vérité à sa passion, et de tomber dans des exagérations romanesques, vice si contraire à l’exactitude de l’histoire. — Voyez Vossius, De hist. Graec., liv. I, c. XV.


88.
Il ne faut pas confondre cette oraison funèbre que Périclès prononça pour louer ceux qui avaient été tués au siège de Samos avec l’éloge qu’il fit de ceux qui périrent au commencement de la guerre du Péloponnèse, et que Thucydide nous a conservé dans le second livre de, son histoire, c. XXXV—XLVI. Il prononça la première la quatrième année de la quatre-vingt-quatrième olympiade ; et la dernière ne le fut que la seconde année de la quatre-vingt-septième. C’était au sénat de l’aréopage qu’appartenait le choix de l’orateur qui devait faire ces sortes de discours, et c’est un témoignage bien honorable pour Périclès, que d’avoir été choisi deux fois de suite dans des occasions si importantes, qui demandaient une éloquence forte et persuasive pour soutenir et encourager les Athéniens.


89.
Ce fut cinq ans après la prise de Samos, et la première année de la quatre-vingt-sixième olympiade. La guerre du Péloponnèse commença la première année de la quatre-vingt-septième olympiade, près de dix ans après celle de Samos.


90.
Les habitants de Corcyre, aujourd’hui Corfou, étaient, après les Athéniens, le peuple qui eut les plus grandes forces maritimes. D’ailleurs, cette île était très bien située pour favoriser les desseins des Athéniens sur l’Italie et sur la Sicile. Les Corcyréens avaient envoyé à Athènes demander du secours contre les Corinthiens, qui, de leur côté, en avaient aussi fait demander. Si Périclès n’envoya dans cette occasion que dix vaisseaux au secours des Corcyréens, ce ne fut pas, comme le dit Plutarque, dans la vue de perdre le général qu’il chargeait de cette expédition. Thucydide, plus croyable que les auteurs suivis par notre historien, écrit que Périclès, en faisant partir ces dix vaisseaux, leur avait donné ordre de n’attaquer les Corinthiens que dans le cas où ils voudraient faire une descente dans Corcyre, ou sur les terres qui dépendaient de cette ville. Son but était de les laisser se battre sur mer, sans se mêler de leurs querelles, afin qu’ils se ruinent réciproquement ; et que, ces deux peuples s’étant affaiblis l’un par l’autre, les Athéniens en aient meilleur marché dans les guerres qu’ils pourraient avoir contre eux dans la suite. D’ailleurs Lacédémonios, fils de Cimon, ne fut pas le seul chef que Périclès envoya : il lui donna pour collègues Diotènes et Protéas. — Thucydide, liv. I, c. XLV.


91.
Il y en envoya vingt, qui, en arrivant, firent peur aux deux flottes, prêtes à recommencer le combat, et les obligèrent de se s

éparer. — Ibid., c. L.


92.
C’était une loi que Périclès lui-même avait proposée, et il s’était servi de toute son autorité pour la faire ratifier par le peuple. Thucydide nomme trois de ces ambassadeurs, Ramphios, Mélésippos et Agésandre, il ne parle point de Polyarcès, qui était peut-être quelqu’un de la suite des députés. — Liv. I, c. XIII.


93.
Toutes les terres situées entre Mégare et l’Attique étaient consacrées aux déesses d’Eleusis, Déméter et Perséphone ; c’était un sacrilège que de les labourer. Périclès accusait aussi les Mégariens de donner asyle à tous les esclaves fugitifs.


94.
Cette porte, suivant les éditeurs d’Amyot, est encore aujourd’hui un des monuments d’Athènes.


95.
Dans ces vers d’Aristophane, il n’est fait aucune mention de la mort du héraut Anthémocritos. Les Mégariens les citaient seulement pour faire entendre que Périclès, irrité de l’enlèvement des deux courtisanes d’Aspasie, avait fait tuer ce héraut, afin que, le soupçon de ce meurtre tombant sur les Mégariens, ils devinssent l’objet de la haine publique. Thucydide ne dit rien de la mort de ce héraut. Il est certain cependant que les Mégariens passèrent pour les auteurs du meurtre, et qu’ils en portèrent la peine plusieurs siècles après, quand l’empereur Adrien les exclut des grâces qu’il accordait à tous les autres peuples de la Grèce. Le tombeau de cet Anthémocritos était sur le chemin sacré qui menait à Eleusis. — Pausanias, liv. I, c. XXXVI.


96.
Nous les avons cependant assignées plus haut d’après Thucydide, auteur plus digne de confiance, à tous égards, que les poètes comiques, car il était alors à Athènes, et il voyait de plus près qu’eux tout ce qui se passait.


97.
C’est le sentiment de Thucydide, et c’est aussi le plus vraisemblable, quand on considère le caractère de Périclès, qui à beaucoup de magnanimité joignait une prudence consommée, et qui prévoyait de loin ce qui devait arriver. Il ne faut, pour s’en convaincre, que lire le discours qu’il fait sur cela aux Athéniens dans le premier livre de Thucydide, c. CXL. et suiv. « Ne vous imaginez pas, leur dit-il, que ce soit pour peu de chose que vous entreprenez la guerre, et ne vous reprochez pas de la faire. De ce peu de chose dépendent votre entière sûreté et l’essai de votre courage. Si vous cédez aujourd’hui le peu qu’on vous demande, demain on vous commandera de plus grands sacrifices, comme si la crainte devait vous faire tout accorder ; au lieu que, si vous refusez, c’est leur déclarer ouvertement qu’ils doivent prendre avec vous d’autres voies, et traiter au moins d’égal à égal. » Je crois bien que, dans la situation où se trouvaient alors les Athéniens, le conseil que leur donnait Périclès était le meilleur, en n’envisageant que la circonstance actuelle et ses suites prochaines. Mais un homme aussi prudent que lui ne devait-il pas prévoir que les Athéniens auraient peine à résister aux forces réunies de la plupart des peuples de la Grèce ; que tôt ou tard ils finiraient par en être les victimes ? Il aurait pu trouver dans son génie des moyens d’amener les Athéniens à des voies de conciliation sans qu’on pût les accuser de faiblesse : l’autorité presque absolue qu’il exerçait sur je peuple, la grande réputation dont il jouissait dans toute la Grèce, auraient fait aisément réussir ces moyens de pacification générale, et prévenu la ruine de sa patrie. On est, ce semble, toujours en droit de lui reprocher que son inflexibilité à retirer le décret contre les Mégariens fut la cause immédiate de la déclaration de guerre. En se relâchant sur cet article, qui, après tout, n’était pas aussi important qu’il le disait, il aurait certainement éloigné la guerre pour quelque temps ; et, avec une inclination décidée à la paix, il aurait profité de ce délai pour la proposer et conduire sa négociation à une fin heureuse.


98.
Cette statue était faite de manière que l’or y tenait par des vis et des écrous, en sorte qu’on pouvait l’en détacher sans rien gâter, et s’assurer en le pesant si l’artiste avait employé toute la quantité qui lui avait été donnée. On n’avait pas encore découvert le moyen qu’Archimède inventa depuis pour reconnaître la quantité d’or qui se trouve mêlée avec d’autres métaux sans avoir besoin de les séparer. On le verra dans la vie de Marcellus.


99.
D’autres disent qu’il fut seulement condamné à l’exil, et qu’il fit depuis la magnifique statue de Zeus du temple d’Olympie, une des plus sublimes productions du génie de Phidias, et qui ne fut surpassée que par cette statue d’Athéna à Athènes qu’on croit avoir été le dernier ouvrage de ce grand maître, et dans laquelle il s’éleva au-dessus de lui-même. Elle fut le prétexte de sa condamnation ; parce que le peuple prétendait que les figures modernes qu’il y avait gravées, celles de Périclès et la sienne, ruinaient la vérité historique de l’ancienne guerre des Amazones, vaincues par Thésée, exploit qui faisait tant d’honneur à ce héros et à la ville d’Athènes, dont il était le fondateur. On trouve, au sujet de cette figure de Phidias représentée sur le bouclier de la déesse, un passage remarquable dans le Traité du monde par Aristote, s’il est vrai que cet ouvrage soit de lui : « On dit que Phidias, qui a fait la statue d’Athéna qu’on voit dans la citadelle, se représenta lui-même au naturel dans le milieu du bouclier de la déesse, et que, par un art imperceptible, il avait tellement lié et incorporé cette figure avec tout l’ouvrage, qu’il était impossible de l’en ôter sans ruiner et mettre en pièces la statue entière. » Voyez c. VI, p. 613, édit. de Duval.


100.
Nous avons déjà exposé plus haut la doctrine d’Anaxagore. Son dogme de l’unité d’une intelligence qui avait formé le monde tendait directement à détruire le polythéisme, auquel le peuple d’Athènes était très attaché, comme le prouve la condamnation de Socrate. En accusant Anaxagore d’impiété, on voulait rendre Périclès, son disciple, suspect de professer la même doctrine sur l’unité d’un Dieu, et le faire peut-être condamner lui-même.


101.
On donnait ce nom à ceux des sénateurs qui étaient en fonctions pour rendre la justice.


102.
Cette circonstance était favorable à Périclès à cause de la religion, qui aurait pu retenir la plupart des juges. Dans la vie de Thé-mistocle, c. XXI, on a vu un autre exemple de cette coutume de prendre sur l’autel le billet dont on se servait dans les jugements. Cela ne se pratiquait que dans les occasions extraordinaires, et lorsqu’on voulait avertir les juges qu’ils devaient prononcer dans la plus te justice- Hérodote, liv. VIII, c. CXXIII, dit qu’on prenait ces billets sur l’autel de Neptune.


103.
Le sénat d’Athènes était composé de cinq cents membres pris dans les dix tribus, qui en fournissaient chacune cinquante. Ces cinq cents sénateurs étaient les juges de la plupart des affaires civiles et criminelles. Lorsqu’elles étaient plus importantes, on leur en joignait cinq cents autres, et quelquefois même on les portait à quinze cents, comme dans cette circonstance, afin de donner plus de poids à l’accusation.


104.
Il a été fort question de ce crime cylonien dans la vie de Solon, c. XXV ; nous y renvoyons le lecteur.


105.
C’est de cette première irruption des Lacédémoniens dans l’Attique que date le commencement de la guerre du Péloponnèse, la deuxième année de la quatre-vingt-septième olympiade.


106.
C’était le bourg le plus considérable d’Athènes : il fournissait seul trois mille combattants. Archidamos n’était qu’à quinze cents pas de la ville.


107.
Cléon est celui qu’Aristophane a tant décrié dans ses comédies. Cependant, à force de bassesses auprès du peuple, il parvint à se faire nommer général des Athéniens ; il eut même des succès dans une occasion assez importante, comme on le voit dans la vie d’Alcibiade. Hermippos appelle Périclès roi des satyres à cause des débauches dont on l’accusait. Ce Télès, dont il y est parlé, et qu’on ne connaît point d’ailleurs, devait avoir une grande réputation de courage. Ceux qui l’ont cru un homme timide ne paraissent, pas avoir compris le sens de cet endroit. Les derniers vers sont très corrompus : j’ai suivi les corrections proposées par M. Dacier. Ils signifient mot à mot : « Quand tu vois une épée nue et bien affilée, tu frémis, tu trembles, tu n’as plus ni force ni vertu. »


108.
Plutarque se trompe : Périclès n’était pas assez imprudent pour sortir de la ville pendant que les Lacédémoniens étaient dans l’Attique. Il ne fit cette course qu’après qu’ils se furent retirés, au commencement de l’automne. Thucydide marque même que la flotte des Athéniens, qui revenait du Péloponnèse, était déjà devant l’Ile d’Egine, et que les soldats qui la montaient se joignirent aux troupes de terre. Voyez liv. II, c. XXXI.


109.
Ils se lassèrent aussi, et s’en retournèrent en Laconie. Plutarque confond ici les deux courses que fit Archidamos dans l’Attique. Ce roi de Sparte y revint l’année suivante, la seconde de la guerre, comme Thucydide l’a marqué. La peste dont il est parlé ensuite ne se déclara que pendant ce second voyage d’Archidamos, la troisième année de la quatre-vingt-septième olympiade.


110.
Cette peste, une des plus effroyables dont l’histoire fasse mention, disent les éditeurs d’Amyot, était venue d’Ethiopie. Elle ravagea beaucoup de pays et désola l’Attique. Thucydide en a fait la peinture la plus vive et la plus touchante, liv. II de son Histoire, c. XLVII et suiv. On peut voir aussi celle qu’en a faite Lucrèce dans son poème de la Nature, chant sixième.


111.
II y avait dans cette flotte cent vaisseaux athéniens, montés de quatre mille hommes d’infanterie, et des barques qui portaient quatre cents chevaux. A ces cent vaisseaux il s’enjoignit cinquante des îles de Chio et de Lesbos. Thucydide, liv. II, c. LVI.


112.
Plutarque a encore confondu ici deux expéditions ; cette éclipse n’arriva pas à celle-ci, mais à la précédente. — Voyez Thucydide, liv. II, c. XXVIII.


113.
On donnait à la ville d’Épidaure l’épithète de sacrée, à cause du temple d’Asclépios, le Dieu de la médecine, qui y était singulièrement honoré. Thucydide, ibid., ne parle point de cette maladie ; il dit même que Périclès, après avoir mal réussi à Epidaure, n’eut pas plus de succès à Trézène, à Hermione et ailleurs ; que le seul exploit qu’il fit fut de prendre Prusie, ville de la Laconie, sur la côte maritime.


114.
On voit dans Thucydide, liv. II, c. LX-LXI, le discours qu’il fit à ce sujet aux Athéniens.


115.
Les quinze talents font de notre monnaie environ soixante-quinze mille livres ; les cinquante talents se montent à deux cent cinquante mille livres. Diodore porte cette amende à quatre-vingts talents, ce qui ferait la somme de quatre cent mille livres.


116.
Il y a dans le texte étant d’un mauvais naturel ; et quoique cette leçon pût être autorisée par ce que Plutarque va dire de la conduite de Xanthippe envers son père, cependant ce qui suit immédiatement doit faire admettre la correction proposée par Henri Etienne, et que j’ai insérée dans ma traduction, à l’exemple de M. Dacier et du traducteur anglais des Vies de Plutarque : la ressemblance des deux mots grecs a pu aisément occasionner la méprise des copistes.


117.
Protagoras d’Abdère fut disciple de Démocrite. C’était le plus grand et le plus adroit sophiste de son temps. Il trompa la Grèce pendant plus de quarante ans, et amassa plus de bien par ses sophismes que Phidias par ses beaux ouvrages. Il disait qu’il n’y avait rien d’assuré sur l’existence des dieux, ni sur leur nature : aussi passait-il partout pour un athée. Voyez ce que Platon en dit dans son Dialogue sur les sophistes, qu’il a intitulé Protagoras, et dans le Ménon.


118.
Les présidents des jeux.


119.
C’eût été en effet une recherche bien puérile pour un homme tel que Périclès ; mais il est vraisemblable que c’est une fausseté imaginée par son fils pour lui donner du ridicule.


120.
Nous avons déjà dit que cette mesure de blé valait environ quatre boisseaux mesure de Paris.


121.
Les Athéniens, la vingt-sixième année de la guerre du Péloponnèse, avaient nommé dix généraux, qui remportèrent une victoire signalée sur les Spartiates et leurs alliés. A leur retour à Athènes, on leur fit le procès ; il y en eut huit de condamnés à mort, et six qui se trouvèrent présents furent exécutés ; le bâtard de Périclès fut du nombre de ces derniers. Le seul crime qu’on leur imputât était de n’avoir pas enterré les morts. Voyez cette histoire racontée fort au long dans le premier livre de l’Histoire grecque de Xénophon.


122.
C’étaient des charmes qu’on donnait comme des remèdes éprouvés contre les maladies, et dont les païens faisaient grand usage. Plutarque observe avec raison qu’il fallait que Périclès fût bien malade pour donner dans de pareilles puérilités, car il avait été trop bien instruit par Anaxagore pour ne pas en reconnaître la superstition et l’inutilité.


123.
Belle leçon pour les souverains et pour tous ceux qui gouvernent.


124.
C’est ainsi en effet qu’Homère a représenté les dieux dans ses poèmes. Les habitants du ciel, ce séjour si paisible, sont en proie aux plus insolentes agitations ; les querelles, les animosités les divisent sans cesse : ce qui a fait dire avec raison de ce poète qu’il avait donné aux dieux, les passions et, les faiblesses des hommes, et aux hommes les perfections des dieux. (Voyez Cicéron, Tuscul. IV, c. XXXII.) Cette opinion que les dieux sont, par leur nature, auteurs de tous les, biens, et incapables de produire les maux, avait donné naissance à ce dogme si répandu chez les anciens peuples, surtout dans l’Orient, où il paraît même avoir pris naissance, qu’il y avait deux principes, et comme deux divinités opposées, dont l’une était la cause du mal, et l’autre celle du bien. Nous l’avons retrouvée plusieurs fois dans les oeuvres de Plutarque, et principalement dans son traité d’Isis et d’Osiris.


125.
C’est ce qu’on verra dans les vies d’Alcibiade, de Nicias, et de Lysandre. L’ambition, la témérité, l’animosité des deux partis, firent continuer avec le plus vif acharnement cette guerre cruelle, qui, en les affaiblissant l’un et l’autre par leurs succès mêmes, porta le coup mortel à leur puissance, et prépara les chaînes que la politique de Philippe et l’ambition d’Alexandre imposèrent à la Grèce.

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